Pour le quatrième épisode du podcast The Storyline, je reçois Estelle Zeliszewski, qui gère la stratégie de Content Marketing de la néo banque Shine. Elle y partage sa vision du Content Marketing et l’importance de choisir ses mots pour maintenir une forte cohérence dans l’image d’une marque.
Trouver l’inspiration pour son calendrier éditorial
Noémie : Dis-moi Estelle, que vous avez un processus pour définir vos nouveaux contenus ? Où est-ce que vous allez chercher votre inspiration ? Chez Shine, vous créez beaucoup d’articles relatifs aux finances et à l’administratif, mais comment est-ce que tu trouve des relais pour le marketing ? Est-ce que c'est en écoutant ce que les gens disent dans le groupe Facebook de ta communauté par exemple ?
Estelle : Je pense qu'il faut beaucoup être à l’écoute effectivement, et c'est comme ça qu'on arrive à faire émerger des questions que les gens se posent, ou des problèmes que l'on peut résoudre.
Nous réfléchissons aussi en fonction des évolutions de notre produit. Par exemple, il y a une fonctionnalité qui nous est très demandée depuis les débuts de Shine, ce sont les devis ! C'est quelque chose sur lequel les utilisateurs insistent beaucoup, ils en ont vraiment besoin, donc notre équipe va se poser la question “Comment peut-on produire du contenu qui accompagne toute cette question des devis, et comment peut-on enrichir la fonctionnalité de devis que nous allons proposer à nos utilisateurs ?”
Noémie : C'est très chouette ces idées de petits outils, j'ai l'impression que ça se fait de plus en plus ! Au final, aujourd’hui, le contenu est de moins en moins statique et toujours plus engageant ! L'objectif n'est plus forcément d'informer mais de faire faire, ou d'engager ton utilisateur, soit dans une conversation, soit dans un usage de ce que tu lui donnes.
Estelle : Oui c’est vrai, j’ai l'impression aussi ! Et je pense que c'est très lié à notre cible : nos clients sont des indépendants, des entrepreneurs, donc par définition des gens qui veulent faire des choses, avancer et mener à bien leur projet.
Nous d’ailleurs, nous nous définissons comme la néo banque qui accompagne et protège les indépendants. Nous avons vraiment cette volonté de les accompagner, d’être à leurs côtés et de les aider en leur donnant le petit coup de pouce qui leur manque pour mener leur projet à bien. Leur fournir du contenu pour qu’ils s'en saisissent et se l'approprient, c’est notre manière de réaliser cet objectif !
Chaque mot compte pour construire une marque solide
Noémie : Oui, c'est vrai que c'est peut-être aussi relatif au persona ! Ça m’amène sur un autre sujet de Shine que je trouve très intéressant, et tu viens de mentionner. Votre mission donc, c’est “Shine accompagne les freelance” - et vous avez toute une sémantique autour de cette mission que je trouve vraiment bien rodée, typiquement sur la page de votre blog vous annoncez : “Vous êtes perdu(e) ? Shine est là pour vous aider”. Tous les mots, toutes les expressions semblent un peu choisis… Est-ce que c'est toi derrière tout ça ?
Estelle : Oui tout à fait,une de mes missions chez Shine consiste à définir le ton de la marque. Maintenant, je ne suis plus toute seule là-dessus, mais au début je relisais tous les wording de l'appli, du site, ... tout ! Je repassais un coup sur tous les contenus pour vérifier que c'était cohérent et que ça corresponde à l'image qu'on voulait donner. Un peu comme une directrice artistique, mais sur les mots !
C'est vrai que c'est très important pour nous de bien choisir nos mots, de bien choisir notre ton, parce qu’on reste quand même une banque et qu’une banque, ce n’est pas fun, c'est plutôt rébarbatif… Nous, ce qu’on veut, c’est mettre les gens en confiance, leur montrer qu'on n'est pas là pour les avoir mais pour les aider. Effectivement, cette mission passe beaucoup par les mots, que cela soit dans le produit ou dans tout le contenu sur les réseaux sociaux. Même la manière dont nous nous adressons à nos utilisateurs via le service client est extrêmement importante. Il faut qu'ils se sentent accompagnés, assurés.
De notre côté, ça implique de se demander quel est le jargon que l'on veut employer, mais aussi de se poser des questions comme “Est-ce qu'on utilise des emoji ou pas ?” Même si ça peut sembler trivial, c'est un vrai sujet, il y a un vrai débat ! C'est vrai que c'est un sujet qui m'intéresse beaucoup. J'ai fait de la sémiologie à la fac - je trouve passionnant le sens que l'on donne aux mots et le pouvoir que ça peut avoir sur les gens…
Le pouvoir des mots dans une stratégie de contenus
Noémie : C’est une belle coïncidence ! J’ai récemment écrit un article sur le storytelling et les neurotransmetteurs qu’il peut activer dans notre cerveau s’il est de qualité - de la dopamine (qui crée une sensation de plaisir), des endorphines (pour la relaxation) ou même de l'ocytocine (pour nouer un lien empathique avec son audience). C'est fou de voir à quel point un mot ou une image ou un son peuvent nous influencer inconsciemment !
Estelle : Oui ! Et d'ailleurs ça m’y fait penser, donc je fais le lien, mais pour moi c'était vraiment important que Shine on soit inclusif dès le début , et que nous utilisions l’écriture inclusive dans nos communications mais aussi dans nos designs ! C'est une réflexion qui se fait par les mots et qui me tient beaucoup à coeur, au delà des émotions que tu vas susciter avec tes mots, de penser à comment les gens vont se sentir inclus, compris… Parce qu’au final, certains contenus qui ne parlent pas à tout le monde et ce n'est pas forcément évident d’inclure chacun ! C'est une réflexion qui doit vraiment se faire au niveau de la marque.
Pour nous, chez Shine, l’écriture inclusive passe par le fait de dire “bonjour à toutes et à tous”, d’utiliser le point médian que je sais très controversé (rires) ! On en a beaucoup parlé en interne et on s'est rendu compte que c'était quelque chose qui était de plus en plus utilisé par des entreprises qui sont finalement assez légitimes ! Par exemple, la Mairie de Paris utilise l’écriture inclusive. Nous sommes convaincus que c’est un réel un virage et nous voulions le prendre.
Créer une tone Bible pour accompagner le développement de la stratégie de contenus
Noémie : C’est vraiment intéressant, et ça par exemple, comme la tonalité de marque dont tu parlais, tu l'as mis dans un document de guidelines ? Comment est-ce que tu t'assures que les autres rédacteurs que tu gères ou avec qui tu collabores le respectent ?
Estelle : Au tout début de Shine, une de mes premières missions a été de repasser sur notre “tone Bible”, une bible du ton ! La Bible avait déjà été un peu rédigée, mais je l’ai relue et enrichie de nouvelles consignes. Elle est peut-être un peu obsolète aujourd'hui mais c'est quelque chose qu'on est en train de retravailler avec la personne qui s'occupe de la Communication et du Branding chez Shine, pour que nous ayons un document qui résume nos valeurs, qui on est, comment on veut se présenter et comment on parle aux gens…
Et ça effectivement, crucial, parce que ça nous aide à nous assurer que nous nous exprimons tous d'une même voix ! Il y a beaucoup de règles implicites en ce moment et nous allons en profiter avec cette Bible pour les graver dans le marbre, pour que tout le monde puisse y avoir accès. Nous avons déjà créé un ensemble de petites règles que les gens ont assez facilement en tête, et avec lesquelles ils sont assez à l'aise, parce que ces règles découlent aussi de nos valeurs et elles s'intègrent assez naturellement dans nos méthodes - mais les écrire, c'est bien aussi ! (rires)
C'est efficace et c’est important, surtout pour une boîte comme Shine qui est en train de scaler (de grandir très vite). Nous arrivons donc à un moment un peu charnière, il faut que les nouvelles personnes qui arrivent dans l’équipe puissent comprendre très rapidement comment elles doivent parler, ou même comment elles doivent tout simplement comprendre notre culture.
Scaler l’équipe de Content Marketing et le rythme de production
Noémie : Comment est-ce que tu scales ton contenu pour accompagner la croissance de ton entreprise ? Est ce que tu as des bonnes pratiques que tu as mises en place, ou est-ce ce que tu t'es retrouvée confrontée à des problématiques dans ce passage à l'échelle sur la production de contenu ?
Estelle : le fait de travailler avec des freelance m'a permis déjà d’entamer cette démarche. Maintenant, le processus en interne est de déterminer les sujets que l'on veut traiter avec la personne qui s'occupe de l'acquisition chez Shine, qui va me dire “là, la priorité va plutôt être de faire des sujets SEO”, ou bien “On va plutôt vouloir faire du contenu pour les réseaux sociaux” - à partir de ça, je vais faire des listes de sujets et lancer la production avec mes rédactrices freelance.
Nous commençons à nous faire confiance, à travailler depuis longtemps ensemble et donc j’ai créé un board en ligne, partagé, sur lequel elles retrouvent tous les sujets et elles peuvent choisir ceux qui les intéressent. En revanche, c'est toujours moi qui relis tous les articles pour validation finale ! Pour revenir à ce sujet du ton, c'est important pour moi de toujours chercher comment on pourrait améliorer les contenus que l’on produit, surtout sur des sujets qui sont aussi sensibles que les impôts. Parfois, on a tendance, quand on baigne dans le jargon, à oublier que l'on s'adresse à des gens qui n'y connaissent pas grand chose - du coup, j'essaie d'être un peu vigilante là-dessus !
Créer du Content Marketing user-centric avant tout
Noémie : À ton avis, comment les marques peuvent-elles s’appuyer sur le Content Marketing pour se développer ?
Estelle : Je pense que la différence va vraiment se faire sur la capacité à engager ses audiences et à vraiment offrir du contenu qui sert aux gens. Si tu fais du contenu pour ne parler que de toi et de ta nouvelle fonctionnalité, ça marchera sûrement très moyennement. En revanche, si tu crées vraiment du contenu marketing dans lequel les gens voient un réel intérêt, qu’ils vont vouloir partager parce que ça va les valoriser ou qu’ils vont y trouver une vraie information utile pour eux, je pense que ça peut perdurer dans le temps.
Noémie : Je me demandais aussi - vous faites beaucoup de contenu pour résoudre des pain points de vos personas, mais quelle est la part des contenus qui font la promotion du produit versus la part des contenus qui n’en parlent pas ?
Estelle : Je ne saurais pas te dire en pourcentage honnêtement, on essaye de le faire de manière assez discrète et subtile... De manière générale chez Shine, nous ne sommes pas trop fan des grosses ficelles et des pop up !
Je pense que ça se voit sur le site et dans le contenu, nous pensons que c'est plus durable justement de répondre vraiment aux questions des gens et de leur dire “au fait, si tu as besoin de plus, il y a Shine” plutôt que de pousser notre produit toutes les trois lignes.
Donc c'est vrai que dans nos articles, quand on veut faire un lien avec le produit Shine, on le fait évidemment. Parce que sur un article où on va te parler de la facturation et de comment facturer un client, évidemment que Shine va pouvoir te simplifier la vie. Dans ces cas-là, on a créé des petits encadrés qui parlent du produit. Je dirais que ça figure peut-être ou 15 à 20% de nos articles.
Noémie : Oui, ça prouve que le contexte doit rester vraiment tourné vers l'utilisateur avant tout et que tu as tout une nuage de notoriété à créer autour de ta marque !
Estelle : Complètement ! Moi c'est vraiment mon point de vue, j'y crois très fort et je pense que de plus en plus, c'est ce qui va faire la différence entre les boîtes qui sont durables et les autres.
Chez Shine, on est très fan d'Intercom par exemple, et moi je suis très fan du blog d'Intercom et je trouve qu'ils ont fait un travail incroyable là dessus, c'est à dire offrir du contenu à leurs clients qui les aide vraiment à réaliser leurs projets. Et en même temps, dans un second, leur rappeler les services offerts par l’entreprise, mais de manière tellement subtile et discrète que ça se fait très naturellement.
Aujourd’hui, nous sommes tous tellement soumis à une overdose d'information et de gens qui essayent de nous dire “viens chez moi”, “achète mon produit”, qu’en fait je pense qu'on n'en peut plus... Et du coup, quand tombe sur une marque qui offre un service désintéressé, gratuit - on est plus à même de se dire “ok, là j'ai envie de te faire confiance”.
C’est vraiment quelque chose qu'on a envie de faire chez Shine, c'est d'offrir du contenu gratuit, désintéressé. On ne va jamais opt-in les gens contre leur gré. On essaie de construire une vraie relation de confiance avec les gens avant tout.